On l'appelait parait-il "l'animal des Eaux Bonnes" et il vécu de 1834 à 1904. Il fit le pari de gravir le Pic de Ger et l'Ossau en partant des Eaux Bonnes et en finissant... à Pau, en moins de 19h. Soit un parcours de 4500 m de dénivelé positif et de près de 100 km. Pari réussi le 22 juillet 1872 à l'âge de 38 ans, en 18h50 !
J'avais depuis longtemps idée de refaire ce parcours car j'aime bien de temps en temps me remettre les pendules à l'heure sur ce qui se faisait avant, à une époque où nous avons tendance à réinventer l'eau chaude, les selfies en plus.
Je ne trouvais jamais le courage de m'y lancer, découragé par les 55 km de bitumes reliant Bious-Artigues à Pau une fois la partie montagne conclue. En rentrant de mon voyage en vélo à la fin de l'hiver, j'ai recommencé à courir tranquillement puis fini par me dire que marcher sur les pas d'Orteig pourrait être mon objectif sportif un peu con de l'année. Au final j'ai surtout fait du vélo pour me préparer, constatant que ce sport endurcit les cuisses aussi pour la course à pied et les descentes en montagne, les risques de traumatisme en moins.
Hier vendredi, j'ai donc quitté les Eaux Bonnes à 1h05 du matin pour atteindre la Place Royale à Pau à 18h50. Je redoutais toute cette route pour finir mais finalement j'ai réussi à trottiner presque toujours, marchant de temps en temps pour boire et m'alimenter et je ne suis pas arrivé complètement détruit et même dans le plaisir jusqu'au bout.
Voici un tableau résumant mon parcours :
Il est sensiblement différent de celui de Jacques Orteig bien que personne ne soit très sûr d'où il est passé exactement. Il aurait gravi la Grande Arcizette au passage après le Pic de Ger, option assez étonnante, serait passé par le Col du Lurien et le vallon de Saoubiste plutôt que par le Col d'Arrious et Caillou de Soques et a aussi forcément pris pour descendre du Col Long de Magnabaigt le sentier direct sur Gabas, actuellement impraticable, plutôt que faire le crochet par le lac de Bious-Artigues, qui n'existait pas encore d'ailleurs (barrage achevé en 1957).
Je remercie comme pour chacun de mes périples l'application iPhiGéNie, sans laquelle l'orientation par nuit noire et parmi les bancs de brouillard aurait été impossible dans le vallon du Capéran de Ger où je n'avais pas mis les pieds en été depuis 30 ans. Côté logistique, ça a été assez simple. J'ai pris de quoi être autonome en vivre de course (pain de seigle, fromage de brebis, mélange noix de cajou-amandes-gingembre, pâtes d'amande, biscuits) du départ jusqu'à Louvie Juzon où j'ai fait une pause de 30 minutes chez Martin le fiston et Francine sa maman qui habitent à côté de la route, pour me doucher, me masser un peu les cuisses aux huiles essentielles arnica-gaulthérie, me changer et me ravitailler pour la fin. Pour l'eau, j'ai pu faire le plein régulièrement, aux cabanes de Soussouéou, d'Arrious, de la Glère, de Magnabaigt puis à la fontaine sur la place de Laruns.
Je présente mes excuses pour ma présence en bordure de chaussée aux automobilistes pressés entre Gan et la vallée d'Ossau, serrant à la courbe en me frôlant, chacun arc-boutés sur son volant, le regard exorbité, collé à la voiture précédente afin d'essayer de la dépasser pour se retrouver trois mètres devant au feu rouge de Sévignacq.
J'ai fait un bout de vidéo à chaque passage caractéristique, le résultat est complètement nul (mon téléphone fabriqué par une firme ayant l'obsolescence programmée comme modèle économique enregistre les sons seulement quand il a envie) mais ça laissera quand même une trace.
Arrivée place Royale à Pau
J'ai bien dormi ensuite