jeudi 9 septembre 2021

David Labarre au Pène Sarrière

David Labarre est, parmi tout ce qu'il est, malvoyant de naissance. Il évolue dans la vie avec un petit angle de vision lui permettant de distinguer quelques formes, selon les éclairages. Natif d'Arguenos, près d'Aspet dans le Comminges, il a toujours entretenu une relation intime et passionnelle avec la nature. Il va régulièrement seul au Pic de Cagire au-dessus de chez lui, prend son VTT seul aussi sur les pistes de son coin et part marcher plusieurs jours à l'aventure, motif d'anecdotes épiques de perdition qui nous font mourrir de rire lorsqu'il se met à les raconter. Ce type a même une fois remis un bataillon de militaires en exercice mais néanmoins égarés, sur le droit chemin. Il a joué à haut niveau en cécifoot au Toulouse Football Club, finissant par devenir vice-champion olympique de la discipline avec l'équipe de France en 2012 à Londres, face au Brésil. Ha les Brésiliens... il parait que maintenant, ils font des reprises de volley sur corner avec un bandeau sur les yeux pour battre le gardien, qui lui, en cécifoot, a toute sa vue. Les brésiliens...

La rencontre de David avec les ariégeois Fred Talieu et Pierre Périssé, guides, AMM, cinéastes, entrepreneurs, bons vivants, imitateurs, humoristes, passionnés, un coeur avant tout, l'a d'abord menée à l'Aneto, puis au Mont Blanc. Lorsqu'ils sont venus me voir cet hiver pour parler de leur nouveau projet, autour d'une bouteille de génépi local finalement décanillée aux alentours de 4h du matin, avant d'en entamer autre, nous avons tout de suite accroché. Le projet, que nous réalisons ces jours-ci, avec un documentaire à la clef sous l'impulsion de Pierre, consiste à relier par les routes de montagne Pau et Aspet en vélo, ou plutôt en tandem, piloté par Morgan Périssé le fils de Pierre, qui finira sa formation de guide l'été prochain, en gravissant au passage la voie Sud-Est Classique à l'Ossau, la Face Nord Classique du Vignemale et le Grand Dièdre des Spijeoles.

Dimanche, premier jour du périple, nous sommes montés ensemble au col du Pourtalet puis à Pombie. Lundi, c'est avec Christian Ravier et Morgan, Pierre et Kevin à la prise de vue, que David a escaladé la Muraille de Pombie par ses ingénieuses et magiques fissures ravieresques. Nous avons tous halluciné en les voyant de retour au refuge à 17h, frais et dispos pour fêter ça dignement, David commentant qu'il s'agissait là d'une bien belle voie avec un ou deux pas un peu compliqués, mais sans jamais tirer au clou ou se reposer sur la corde. Pas d'ça chez les Labarre. Christian, qui était aux manettes juste devant pour lui indiquer les prises s'est rendu compte qu'il n'avait jamais autant parlé en une seule journée. Toutes circonstances confondues.

Mardi, l'équipe est descendue à la maison pour se reposer mais surtout rendre visite au magazin de cycles de Laurent Tillous à Arette, qui avec sa passion et son professionnalisme pour tout ce qui touche de près ou de loin à la Petite Reine a réglé un problème de transmission sur le tandem. Il est vrai que monter un col avec la chaîne qui saute une dent sur trois, c'était pas fastoche, même pour un David Labarre. Hier mercredi, David et Morgan ont repris la route, montant les cols d'Aubisque et du Soulor, puis s'avançant jusqu'à Aucun où ils ont laissé le tandem. Depuis dimanche, nous scrutions la météo pour cette affaire de face nord du Vignemale que nous devions gravir ensemble vendredi et samedi avec un bivouac 4 étoiles au pied de la bande de schistes rouges mais avec des orages prévus chaque jour en milieu d'aprem, nous avons du revoir nos plans. Je doute que même une fiole de génépi n'aurait pas fait l'affaire face aux éléments, ou alors j'ai définitivement passé l'âge, ce qui commence à être probable. C'est partie remise, l'animal a de la suite dans les idées et nous aussi.

Ainsi, au tempo des plans B jusqu'à F qui édulcorent la vie des guides et des montagnards, nous nous sommes dirigés aujourd'hui vers le Pène Sarrière pour gravir sa Face Est puis sa vertigineuse Taillante, bien que le vertige, David n'en ait que faire. Ce qui ne l'a pas empêché de dire de temps en temps au plus étroit de l'arête que "houla, là il y a du vide et c'est dommage qu'il y ait ce brouillard, on voit rien du tout". Martin mon fils, Pierre et Benoît étaient aux images et je parie que ça va être super, "excellent" même comme dirait Martin sur qui j'ai déteint. Demain vendredi, David et Morgan filent à Gavarnie en tandem. Ils parlent de mal aux fesses mais tant que c'est que là, franchement ça va. Demain soir je les rejoins pour de nouvelles tribulations samedi sur les parois exotiques du Cirque. Moi je vous le dis, cette histoire va finir au Pilier du Freney ou à la Walker, ou les deux.