Les 16, 17 et 18 mai derniers, je me suis lancé, avec un créneau un peu serré entre deux épisodes de sorties en montagne, dans la traversée des Pyrénées en vélo, d’Hendaye à Cerbère, par le versant espagnol de la chaîne. J’avais déjà fait cette traversée dans le même sens en 2016 mais par le versant français. C’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai pris goût à ce sport, en achetant un vélo deux jours avant de partir. Sport que je connaissais quand même un peu car quand j’étais petit comme dirait l’autre, nous avions fait quelques vacances en famille sur deux roues. Surtout, j’avais un papa qui roulait beaucoup… et longtemps. Nous habitions près de Limoges et je me souviens de quelques départs en vacances à la neige qui se sont faits sans lui, puisqu’il nous devançait à bicyclette, reliant Grenoble en mode non-stop en plein mois de février, dormant brièvement à l’arrache par là. Une brute ce Claude Thivel.
Pour cette traversée, j’avais prévu de mettre 5 jours mais de coups de pédale en coups de pédale, après une première journée à rouler bien plus loin que prévu, je me suis pris au jeu d’avancer et d'avancer encore. Il ne m’en a fallu finalement que 3 pour atteindre Cerbère. Une stratégie de progression particulièrement fine : démarrer à fond, accélérer au milieu et finir au taquet.
J’ai pu partir très léger, en gros avec juste un short et une chemise pour le soir, un coupe-vent extra-light pour les descentes (jamais utilisé avec cette canicule), 2 ou 3 trucs en cas de soucis mécanique et bien-sûr mon vélo de route « Le Furibond », qui avance presque tout seul. Par contre, j’aurais du penser à mettre ma selle de voyage en cuir plutôt que celle minimaliste montée par défaut car dès le début de la seconde journée, je me suis mis à rêver de pouvoir faire les 500 derniers kilomètres en danseuse. En vain.
Au niveau logistique, Martin mon fils ma lumière qui se rendait sur la côte pour étudier m’a posé au départ puis je suis rentré à Pau en train depuis Cerbère (penser à faire une réservation vélo dans les trains Intercités, sinon l’amende est salée, comme ont pu l’expérimenter des compagnons d’infortune entre Narbonne et Toulouse). Pour manger au fil du chemin en journée, rien de tel qu’un bon bocadillo + café con leche + coca dans un bar de temps en temps et pour dormir, étant hors-saison, c’était facile de descendre dans ce que je trouvais de moins cher au moment où j’arrivais.
Je remercie les conducteurs espagnols car j’ai franchement été impressionné par leur courtoisie, doublant systématiquement après s’être déportés sur la voie opposée ou roulant au pas lorsque ce n’était pas possible. De plus, il y avait souvent bien peu de circulation, un vrai régal.
Cette brève excursion m’a permis de retrouver ces sensations si précieuses du voyage en petite reine : le décor dont on se nourrit qui défile sur un tempo parfait, l’excitation de se dire le matin en partant que chaque seconde de la journée va apporter quelque chose de nouveau, se sentir libre, léger, déconnecté et jouir de cette drogue que sont pour moi les sports d’endurance.
J’ai tellement vite retrouvé les reflexes de mon récent voyage en Colombie que je me suis surpris à demander à l’hôtel si l’eau était potable ou à un commerçant si la petite route qui m’attendait était revêtue ou en terre. Je crois qu’ils se sont dit que j’avais du trop rouler pour poser de telles questions. Les autres personnes qui ont du se demander si tout allait bien pour moi sont les serveurs des cafétérias du soir, car je commandais tout en double, tellement il me fallait recharger la bestiole. Je voyais bien qu’ils me scrutaient discrètement pour vérifier que je n'avais pas eu les yeux plus gros que le ventre, ce qui n'est jamais arrivé.
Enfin, une mention spéciale au niveau des paysages pour le premier jour en Navarre et les prémices de l’Aragon. Une si belle région encore très verte, caressée par un vent frais parfait pour franchir la superbe série de petits cols entre Erro et la vallée de Canfranc. Beau souvenir aussi que ces ultimes kilomètres sur la route côtière méditerranéenne entre Llançà et Cerbère, roulant dans le silence et l'euphorie, accompagné des derniers éclairages du couchant.
Voici les détails du parcours (j’ai une trace à disposition si ça intéresse quelqu’un) :
J1: Hendaye - Doneztebe - Arraioz - Puerto de Artesiaga - Zubiri - Puero de Erro - Alto de Mezkiritz - Garralda - Puerto de Remendia - Ezcároz - Puerto de Laza - Isaba - Garde - Portillo de Galindo - Ansó - Colada de Terit - Hecho - Jasa - Loma de Aisa - Aisa - Collada de Array - Borau - Collado de la Sierra - Castiello de Jaca - Jaca
Total : 245 km / 4800 m / 11h45
Hébergement : Hostal Paris
J2 : Jaca - Sabiñanigo - Collado de Petralba - Aínsa - Puerto de Foradada - Campo - Puerto de Egea - Puerto de Bonansa - Pont de Suert - Col de la Creu de Perves - Senterada - Puerto de Montcortès - Gerri de la Sal - Sort
Total : 210 km / 3740 m / 9h25
Hébergement : Hotel Les Collades
J3 : Sort - Port del Cantó - Cerbère - La Seu d’Urgell - Alp - La Molina 1700 - Collada de Toses - Ripoll - Tunnel de Collabós (interdit aux vélos… passer plutôt par la Collada de Sentigosa depuis Sant Joan de les Abadesses) - Castellfollit de la Roca - Figueres - Llança - Cerbère
Total : 270 km / 3740 m / 11h40
Hébergement : Hotel Arago